Savoir et comprendre
"Nous touchions à la connaissance absolue. L'individu avec son terminal unique ne savait plus rien par lui-même, que des bribes d'informations happées ici ou là. Il ne savait plus se situer dans l'histoire et dans l'espace où, de nuit comme de jour, sans GPS il ne pouvait se diriger. Nul ne lui avait appris à se situer par rapport au soleil et aux étoiles. A l'école on lui enseignait à synthétiser par lui-même le minimum de connaissances pour éviter de l'ennuyer (...) Au final, sa possibilité de tout savoir l'éloignait de toute construction intellectuelle minutieuse, lui évitant le fardeau d'avoir à penser le monde dans lequel il vivait (...) Mais par malheur, ce manque de connaissance structurée faisait de l'individu un expert en tout et en rien, le persuadant de la validité de ses opinions, conforté par cet accès universel au savoir qui s'accompagnait d'une inaptitude fonctionnelle à construire une pensée objective, la vérité n'existant désormais plus par elle-même."
Dans Transparence, son dernier roman (que je trouve au demeurant plus ou moins réussi), Marc Dugain nous offre la vision d'une humanité à la dérive qui, en 2068, n'a plus comme cerveau que celui que lui fournissent les moteurs de recherche, et comme horizon d'espoir que la promesse de l'immortalité.
Si j'émets des réserves sur la forme narrative d'un roman souvent trop bavard, cette réflexion sur la différence entre le savoir et la compréhension, entre la somme des faits et ce que l'on en déduit, sur la manière de construire une réflexion, une vision, m'a paru très juste. Elle interpelle en moi aussi bien l'auteure que l'enseignante.
Et quelle misère que cette incapacité croissante, que l'on peut d'ores et déjà constater, à se repérer dans le temps et dans l'espace !
Que jamais je ne perde la faculté de me situer "par rapport au soleil et aux étoiles"...
(Au fait, avez-vous vu Vénus, ces derniers soirs ? 30 degrés au-dessus de l'horizon en début de soirée, vers le sud. Elle est tout près de nous et nous livre sa rotondité presque à l'oeil nu.)
• Marc Dugain, Transparence, Paris : Gallimard, 2019. L'extrait cité se trouve à la page 48
• photo : source Pixabay
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mes connaissances en astronomie sont nulles, je ne réussis qu'à voir la grande et la petite ourse, parce que quelqu'un me l'a appris quand j'étais enfant :-)
RépondreSupprimerOn a tous des gens qui "nous ont appris", et j'aime cette chaine de transmission. Pour ma part je suis infichue de reconnaître la Petite Ourse, figure-toi...
SupprimerL'étoile du Berger était comme tu le dis très basse dans le ciel et vraiment très lumineuse ! Je l'ai admirée aussi il y a quelques jours ! C'est important cette connaissance du ciel, et sa contemplation est toujours très apaisante .
RépondreSupprimerCela nous remet à notre place !
SupprimerOui, en Normandie aussi nous avons vu Vénus très lumineuse... quand elle n'est pas masquée par les nuages de pluie. Bon rétablissement.
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