Référence : hommage à Beatrix Potter
Gwaeninog, 1912 |
La lecture récente d'un excellent roman de Marie-Aude Murail, Miss Charity, me suggère de consacrer un post à la célébrissime aquarelliste et femme de lettres britannique de la vie de laquelle ce livre est inspiré : j'ai nommé Beatrix Potter.
Née en 1866 dans une famille de la bonne bourgeoisie anglaise, Beatrix Potter est l'exemple même de ces femmes fortes et discrètes dont la détermination à prendre leur destin en main, à une époque - l'ère victorienne - où la chose ne leur était guère facile, force l'admiration.
La jeune Beatrix est élevée à la façon victorienne, à l'écart du monde, par des gouvernantes. Son père, passionné de photographie a cependant pour ami le peintre Millais. Son oncle est un chimiste réputé. Son paradis réside dans le Lake District où ses parents passent les mois d'été, loin des poussières londonniennes. Enfant solitaire, elle se passionne pour la mycologie, la géologie, collecte et dessine fossiles, insectes et plantes. Elle montre très jeune de sérieuses dispositions pour le dessin et pour l'étude de la nature.
étude de chenilles, Beatrix a huit ans ! |
Amanites tue-mouches, 1897 |
Mais l'époque est impitoyable pour les femmes : ses planches mycologiques, présentées aux Jardins royaux de Kew, sont rejetées, et si ses travaux sur la propagation du lichen sont présentées lors d'une conférence à la Linnean Society, elle n'aura bien entendu, en tant que femme, pas le droit d'y assister !
Son frère Bertram a satisfait sa famille par un "bon mariage". Mais Beatrix reste cette jeune femme réservée qui, au vif désespoir de sa mère, préfère sa table à dessin aux thés mondains et à la chasse aux maris. A l'âge de 36 ans, elle vit encore, célibataire, sous la tutelle de ses parents. La peinture est sa passion et elle réalise à ses heures perdues de charmantes illustrations pour enfants, inspirées de sa connaissance de la nature mais transfigurées par sa vive imagination. Les lapins y portent des vestes, les chatons des culottes et les dames hérissons de petits bonnets tout hérissés de piquants ! Est-ce sa totale dépendance - financière, notamment - qui la pousse ? Une soif de reconnaissance ? Elle vend quelques cartes, imagine un jour une histoire illustrée pour un petit garçon malade... et c'est ainsi que naît The Tale of Peter Rabbit.
Edité à compte d'auteur en 1897, c'est un triomphe : tout Londres se l'arrache et elle finit par faire affaire avec un éditeur! De Sophie Canétang à Toto le Minet, de Madame Trotte-Menu à Jérémie Pêche-à-la-Ligne (je donne les titres français) suivront de nombreuses histoires (23 albums au total), toutes nourries de son inlassable observation de la nature et des bêtes. Elles lui apportent un épanouissement, une autonomie et une célébrité auxquels peu de femmes de l'époque peuvent prétendre. L'amour vient avec : elle se fiance à son éditeur, Norman Warne. Hélas, il meurt de façon brutale, d'une leucémie, à peine deux mois plus tard.
de son carnet de croquis, 1905 |
Nous sommes en 1905. Beatrix Potter a 39 ans. Elle est désormais une femme riche et partant, libre. Pour guérir de sa peine mais aussi parce qu'elle entend suivre sa propre voie, elle part pour sa chère région des Lacs où elle achète une ferme (Hill Top), puis une autre et encore une...
C'est qu'elle a très tôt pris conscience que la pression foncière sur ces paysages (la région est prisée des Londonniens qui transforment les exploitations agricoles en résidences secondaires) est en train de faire disparaître le mode de culture et de mise en valeur traditionnelle qu'elle admire et quelle ne cesse de peindre.
C'est là que réside la seconde modernité de Beatrix Potter : à sa mort, en 1943, elle lègue au National Trust en vue de préservation quatorze fermes ainsi préservées par ses soins. Les amateurs d'histoires d'amour qui finissent bien seront heureux d'apprendre qu'au passage, elle a fini, à l'âge de 47 ans, par épouser William Heelis, notaire de son état et qui partage ses préoccupations environnementales.
Pour en savoir plus :
• Un film délicieux, fidèle à la véritable histoire de Beatrix : Miss Potter, de Chris Noonan, avec Renee Zellweger et Ewan McGregor (2006)
• Un très excellent roman, variation apocryphe de la vie de Beatrix : Miss Charity, de Marie-Aude Murail, est parue chez un éditeur jeunesse, L'Ecole des Loisirs (2009), mais ne dépare absolument pas dans une bibliothèque adulte (la mienne, entre autres).
liens :
Superbe ! J'admire Beatrix Potter et ses aquarelles...
RépondreSupprimerArrrhhh... je me suis fait devancer. J'avais prévu de faire un article sur Beatrix Potter très prochainement. Il faut dire que nous sommes en pleine lecture de ces histoires illustrées avec ma fille. J'y ai droit tous les soirs. Et quand je me dis que ces histoires sont plus que centenaires, je trouve cela encore plus épatant que ma fille soit aussi enthousiaste. Merci pour cet article !
RépondreSupprimerJe crois que je t'en aurais voulu de m'avoir devancée... tout en me réjouissant de la postérité de cette grande dame qui sut si bien faire rêver les tout-petits !
SupprimerQuel délice de mettre un nom sur ces charmants dessins que j'admirai enfant. Et merci pour la petite (et grande) histoire...
RépondreSupprimerOh, que de souvenirs ! j'ai toujours adoré ce monde-là, mais je ne connaissais pas la vie de son auteure : un grand merci à toi !
RépondreSupprimerJe connais un peu de tes goûts littéraires d'après ton blog, et je te conseille plus que vivement de lire "Miss Charity", même si il ne s'agit pas vraiment de l'histoire de Beatrix, mais d'une variation sur le thème. C'est régalant ! A lire une tasse de thé à la main, un chat sur les genoux, en regardant tomber la pluie.
SupprimerThank you for this, Anne. Her work is so distinct and inspirational.
RépondreSupprimerJe ne connaissais d'elle que son célèbre lapin. Merci d'avoir comblé un peu mon ignorance.
RépondreSupprimerMoi, j'ai lu son histoire il y a quelques années, ça m'a beaucoup plu
RépondreSupprimer-"Miss Potter " de Richard Maltby Jr
chez Mango.
Maltby Jr est le scénariste du film, il a tiré un livre de son travail. Je ne l'ai pas lu mais du coup, tu me donne envie de le faire.
SupprimerMangerais bien du lapin chasseur, moi!
RépondreSupprimerDis donc, toi...
Supprimer;-(
(je vais le dire à Lola, d'abord...)
Ton post à la chaleur d'une conversation au coin du feu et la saveur d'une tasse de thé accompagnée de biscuits au gingembre.
RépondreSupprimerMerci
Merci pour ces precisions! une grande dame en effet qui a fait rever bien des enfants...
RépondreSupprimerMarie