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Coup de gueule

À ceux qui oublient qu'il faut des auteurs pour faire des livres

(lettre ouverte des auteurs français à l'initiative du Conseil Permanent des Ecrivains)


Des revenus à la baisse, des réformes sociales préoccupantes, un droit d'auteur fragilisé par la politique européenne... Les auteurs de livres sont clairement en danger. Et à travers eux, c'est la création éditoriale qui est menacée, dans sa liberté et dans sa diversité.

Des revenus dérisoires
À l’auteur la part la plus maigre

En 2015, les deux tiers des auteurs de livres perçoivent pour l'édition imprimée moins de 10% de droits d'auteur sur le prix public de vente des livres. Pire : un auteur sur cinq est rémunéré à un taux inférieur à 5 %. Ni salarié, ni travailleur indépendant, non seulement l'auteur est souvent payé plusieurs années après avoir commencé à écrire, non seulement il ne perçoit ses droits qu’une fois par an, mais en plus, sur l’œuvre qu'il a créée, il reçoit, dans la répartition de la chaîne éditoriale, la part la plus maigre, ceci dans un manque avéré de transparence.

Rappelons-le, la moyenne des droits perçus par l’auteur est d’1 € par livre vendu, à peine le prix d'une baguette. Il est urgent que soit rééquilibré le partage de la valeur au profit des auteurs, sans lesquels évidemment les livres n'existeraient pas. Face à la stagnation du chiffre d'affaires de l'édition, multiplier à l'infini le nombre de nouveautés, est-ce vraiment la meilleure stratégie ? Avec deux cents nouveaux titres publiés par jour (dimanche compris) comment les auteurs peuvent-ils vivre de leur métier ? Comment les libraires peuvent-ils défendre les œuvres ? Comment le lecteur peut-il s’y retrouver ? La surproduction n’est pas la diversité.

Par ailleurs, dans une économie numérique en plein devenir les droits d’auteur ne doivent pas servir de variable d’ajustement. Il est essentiel que les marges dégagées fassent l’objet d’un nouveau partage dont il n'est pas question que l'auteur soit écarté. Il convient a minima que toute baisse de prix de vente soit compensée par une augmentation des taux.


Quelle protection sociale pour les auteurs ?  
Pourquoi seul l’auteur ferait-il les frais de toute réforme ?

Le projet actuel de réformes simultanées de la sécurité sociale et de la retraite des auteurs a créé des inquiétudes. Il faut qu’une concertation large et ouverte permette de rassurer les auteurs sur les droits qui en résulteront et de respecter la diversité des activités,  des pratiques et des modes de rémunération. Notamment, il importe qu’une réforme d’ensemble des cotisations sociales n’aboutisse pas à une baisse brutale des revenus des auteurs.


Ainsi, la mise en œuvre de la réforme du RAAP devrait se faire progressivement, afin de laisser la possibilité d’en mesurer les effets dans le temps, à la fois sur les revenus des auteurs et sur les droits qu’ils acquièrent. Dans une période transitoire, la possibilité serait ouverte aux auteurs qui le souhaitent de payer une cotisation supplémentaire pour ne pas perdre des droits futurs.

De même, d’autres pistes de financement pour la protection sociale des auteurs de livres doivent être envisagées et étudiées : augmentation de la participation des éditeurs, prélèvement sur les ventes relatives au domaine public du livre et sur le marché du livre d’occasion.


La menace européenne 
Une extension alarmante des exceptions au droit d’auteur

Le droit d'auteur constitue le principe essentiel de la protection des œuvres et celui d'une rémunération juste des auteurs. Il est la condition indispensable d'une création libre, indépendante et diversifiée.

Les risques les plus importants d'une déstabilisation de notre législation viennent de l’actuelle orientation des institutions européennes, dont les objectifs sont incompatibles avec les spécificités économiques et culturelles de chaque pays. Les récentes propositions du rapport Reda visant à étendre le nombre ou le périmètre des exceptions et limitations au droit d'auteur sont alarmantes.

La stratégie communautaire devrait au contraire favoriser le développement dans l'univers numérique de nouveaux modèles et de nouveaux usages, qui respectent les légitimes attentes des publics sans toutefois sacrifier le droit d’auteur. L’absence d’interopérabilité technique constitue le véritable frein à la diffusion des œuvres et à leur accès par le plus grand nombre. Nous nous inquiétons de l'absence totale de responsabilité des grands acteurs d’internet face au développement du piratage des livres.

Et l’Europe aggrave la situation en obligeant la France à relever le taux de TVA sur le livre numérique de 5,5 à 20 %, avec des conséquences néfastes pour les lecteurs comme pour les auteurs.

À force de mettre les auteurs en danger, la création est en péril.  Pas d’auteurs, pas de livres !


Commentaires

  1. Sait-on de façon sure comment se décompose le prix d'un livre?
    Il est sûr que la politique éditoriale favorise les auteurs qui produisent à la chaîne des romans sur le même modèle en utilisant les mêmes ficelles inusables pour garder l'attention du lecteur. Ce qui est incompatible avec l'idée de création que la littérature suppose.
    Et j'ai signé, bien sûr!

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  2. Sur mon livre sur le Jura, par exemple : 20 euros.
    TVA : 5,5 %
    sur le prix hors taxe, je touche 8 % : 1,5 euros.
    La somme restante se divise en trois tiers. En gros 30 % du prix hors taxe est pour le libraire, 30 % pour le diffuseur (pour moi Flammarion) et 30 % pour l'éditeur (Le Rouergue, qui paie aussi la fabrication de l'objet livre).
    Le livre m'a demandé un an et demi (soir, nuits, vacances, bien sûr, le reste du temps, comme presque tous les auteurs, je travaille pour gagner mon pain). Il a également engagé des frais, en tant que carnet de voyage. Et encore, je ne publie pas sur l'Indonésie ou le Bhoutan, ça me coûterait bien plus cher !..
    Dans le monde de la petite édition qui est le mien, on considère généralement que j'ai un contrat avantageux...

    Merci d'avoir signé.

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