Référence : Edward Hopper
Houses of Squam Light, Gloucester, 1923 |
De retour de la superbe et très émouvante exposition Hopper au Grand Palais, je ne peux résister au plaisir de vous faire part de cette découverte — passée hélas inaperçue des éditeurs de magnets, cartes postales et autres reproductions, ça, c'est pour mon côté société de consommation — qui est que l'aquarelle joua un grand rôle dans la démarche artistique d'un artiste aujourd'hui fameux pour ses grandes huiles sur toile aux couleurs vives qui évoquent en nous une certaine idée de l'Amérique.
Quelques précisions :
Né en 1882 aux Etats-Unis dans une famille de la classe moyenne (son père était mercier), Edward Hopper décide très tôt de devenir artiste. Il passe par divers ateliers dont celui de Robert Henri à la New York School of Art, effectue trois voyages à Paris, avec des détours par Berlin, Amsterdam... Marqué par l'impressionnisme, notamment par le travail de Marquet, Degas et Valotton (dont, plus que la touche, il admire les cadrages inusités et les sujets "réalistes"), il peine à rencontrer le succès et vit d'affiches et de travaux pour la presse.
C'est
en 1923 qu'il se remet à l'aquarelle, dans un souci de travailler sur le motif (c'est à dire en plein air). L'année suivante, une galerie
new-yorkaise expose onze de ces peintures d'un nouveau genre, ce qui
constitue à la fois sa première exposition individuelle... et son
premier succès, toutes les oeuvres exposées étant vendues !
Two Lights Village, 1927 |
Il en profite pour mettre fin à ses activités d'illustrateur et commencer de vivre de sa peinture. Il faut dire qu'il a déjà 42 ans. Ses sujets ? Des maisons étranges, des détails inhabituels et toujours cette recherche sur les couleurs qui vous emporte littéralement à l'intérieur du tableau. Richesse de l'expérimentation de techniques diverses : c'est d'ailleurs un autre détour, par la gravure à l'eau-forte, lui permettra de préciser ce talent si particulier qu'il a de ciseler la lumière tout en travaillant cadrages et angles de vue et de l'anodin et du banal, faire surgir des histoires.
Mansard Roofs, 1923 |
St Francis' towers, Santa Fé, 1925 |
House in the Fort Gloucester, 1924 |
A mettre le nez sur ses tableaux comme j'ai eu la chance de pouvoir le faire ce matin, je suis frappée par la densité de ses couleurs, souvent posées en à plat et donc très proches de ce qu'il exprimera dans sa peinture à l'huile. Et puis : ça fait des auréoles, l'outremer floconne, le papier gondole un peu... Bref : c'est vivant comme de l'aquarelle, on sent le vent, les mouches, le sable et j'aime ça.
Merci pour ce bel hommage à Edward Hopper L'Aquareliste. Je n'ai pas pu me rendre à l'expo lors de mon séjour à Paris (plus de billets coupe-file) et lorsque je vois tout ça je le regrette. En revanche, je suis allée à la pinacothèque voir la très jolie exposition Van-Gogh rêve de Japon et Hiroshige... même si j'ai trouvé que les comparaisons faites entre les 2 peintres étaient parfois "capilotractée"....
RépondreSupprimermerci pour cette jolie visite privée. Oui, bon, j'admets que parfois, Paris vaudrait bien un billet de train.
RépondreSupprimerEt sinon, je ris en voyant tes oignons du message précédent, car ils pourraient bien être le sujet du cours d'aquarelle de ce soir (on se retrouve décidément souvent !!!)
Je ne parle ici que des aquarelles, ce qui est loin d'être l'essentiel, et dans la vie de Hopper, et dans l'exposition, mais vraiment, cette dernière est exceptionnelle et vaut le déplacement.
RépondreSupprimerBons oignons, Charlotte. Moi je tente un chou-rave violet : je ne savais même pas que ça existait avant de le trouver dans mon panier de l'AMAP. Il était à côté d'un chou fleur vert, contraste coloré du plus bel effet !
Il est assez étonnant que même dans ses aquarelles, Hopper peint cette lumière crue, dure, plus que réaliste, qui crée des ombres franches et souligne les reliefs. On a toujours l'impression dans ces vues d'extérieur d'arriver après une pluie qui a lavé l'air de toute brume et qui lui donne une transparence froide.
RépondreSupprimerPeut-on y voir une influence de la photographie, comme dans les cadrages, à l'instar de Degas que vous citez ?
Merci de nous faire découvrir ce côté de Hopper, le peintre du réalisme onirique...
Je n'y avais pas pensé, mais c'est vrai qu'il y a ce côté légèrement surexposé qui contribue à baigner les scènes dans une légère irréalité extrêmement paradoxale (j'aime bien votre "réalisme onirique"). Ce travail des ombres très accentuées est évident dans les recherches d'Hopper en matière de gravure.
SupprimerJe crois que c'est moins une surexposition qu'un contraste poussé, comme dans les photos de l'époque tirées "dur" pour donner un caractère dramatique à l'image.
SupprimerCe caractère dramatique, Hopper dans ces aquarelles le rend par ce contraste exacerbé; plus tard dans ses peintures, il le rend aussi par la composition. Par la disposition des objets dans l'image, par le cadrage "photographique" (c'est-à-dire dégagé des conventions de la peinture traditionnelle) et une lumière inattendue, il fait ainsi d'une scène neutre une énigme rêvée ; c'est tirer la poésie du banal comme on tire des couleurs de la palette.
Vous avez tout à fait raison et je fais confiance à votre oeil de photographe. A visiter l'exposition, il était frappant de constater combien de fois le cadrage de ses toiles était volontairement "imparfait" (personnages coupés, par exemple). Ces forts contrastes seront également repris dans un énorme travail sur les couleurs complémentaires, notamment les verts et les rouges qui s'affrontent souvent dans ses toiles, dans "Chop Suey" ou "Night Hawks", par exemple, ou les bleus et les oranges dans"Cape Cod Evening" . Et quand ce contraste manque, comme dans l'énigmatique tableau final "Soleil dans une chambre vide", c'est pour dire un autre mystère.
SupprimerC'est bien ça : contrastes de couleurs, de lumières, de situations (une femme nue dans une chambre vide, des personnages au zinc d'un bar perdu dans la nuit...), ruptures de cadrage, tout cela crée l'extra-ordinaire à partir de la banalité.
SupprimerToutes disproportions gardées, Hopper fait penser à Prévert en poésie, qui construit de briques de mots ordinaires des palais de rêve(s).
Parallèlement à l'économie de moyens de Prévert, où le tendre se cache mal entre les mots, il manque toujours quelque chose dans le dépouillement des tableaux de Hopper, ce qui oblige le spectateur à le rêver.
Merci de nous faire partager un peu de cette expo que je n'aurai probablement pas l'occasion d'aller voir.
RépondreSupprimerBonjour, depuis quelques mois j'accompagne votre blog, il est très instructif et très bien construit.
RépondreSupprimerMerci de me faire connaître les aquarelles d'Edward Hopper. Je vais voir l'exposition.
Bienvenue à vous et merci de votre visite ! Vous me direz ce que vous avez pensé de l'exposition, qui peut-être vous inspirera pour vos travaux au pastel.
Supprimer:-)
Ce que tu présentes ici de Hopper me parle beaucoup plus que ce qu'on nous montre couramment.
RépondreSupprimerCela fait presque 20 ans que je suis fan de Hopper que j'ai découvert grâce... à ses aquarelles reproduites en cartes postales (!!). Il est souvent reproduit dans les manuels d'anglais, mais finalement c'est vrai il est assez méconnu. Je rêve d'aller voir l'expo!! J'ai moi aussi craqué pour ses aquarelles avant de connaître ses toiles.
RépondreSupprimerC'est marrant à part la dernière et l'avant dernière, toutes les autres se trouvent dans le diaporama que j'avais fait pour des élèves!
Zut ! Ca m'aurait pourtant arrangé que tu trouves le titre de la dernière, que, n'ayant pas acheté le catalogue de l'exposition, je n'ai pas su retrouver.
Supprimer"Deck of Beam Trawler", 1923. Y a qu'à demander... ;-)
SupprimerAnne, on voit ici que le dernier est titré « Deck of a beam trawler, Gloucester » (Pont d'un chalutier, Gloucester) et est daté de 1923.
RépondreSupprimerPhilippe, votre présence d'esprit m'éblouit autant que votre culture.
SupprimerSans rire : merci, je m'énervais de ne pas trouver.
Si vous saviez combien ma présence d'esprit compte d'absences, vous seriez plus prudente sur ces terres mal cultivées !
SupprimerIl fallait chercher dans les images avec "boat Hopper".
Ah oui ! que c'est beau !! ses aquarelles tellement lumineuses et comme souvent à cette époque elles sont peintes sur du papier très blanc et plutot fin sans effets de fondus. J'y suis allée 2 fois !
RépondreSupprimerHier, je suis allée voir l’exposition HOPPER, c’était magnifique : la couleur, la luminosité, les formes, les personnages, des éléments qui nous invitent à imaginer une histoire. Les paysages en aquarelle sont très beaux. Merci pour les informations sur cette exposition.
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