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A qui sont tes mots ?

 Je ne sais pas trop quoi penser, pour tout vous dire, je suis troublée...


J'ai reçu ceci de mon éditeur Transboréal. Découvert qu'il y avait quelque part une personne, une actrice que je ne connais pas, qui indiquait qu'elle avait à son répertoire un spectacle tiré d'un de mes ouvrages. Portant le titre d'un de mes livres - Sagesse de l'herbe.  Spectacle annoncé pour début octobre quelque part dans l'Essonne (avec une faute d'orthographe à mon nom).

Ce n'est pas la première fois, bien sûr, que mes mots sont adaptés pour le spectacle vivant. Catherine Weissmann et Emmanuel Delorme ont longtemps fait tourner "Carnet de voyage", issu des Bonheurs de l'aquarelle. L'ami Allan Ryan interprète régulièrement dans ses spectacles des extraits de Blanc comme la neige. Ce sont aventures auxquelles, avec le plus vif plaisir, j'ai pris part.

Je trouve étrange de ne jamais avoir échangé, jamais avoir été contactée (je ne parle même pas d'être sollicitée pour donner un quelconque accord, je ne parle même pas de rémunération). Il se peut que la loi confie cette prérogative à l'éditeur. Bon. C'est sans doute dans le contrat que j'ai signé. Bien sûr. J'imagine qu'un droit a été demandé et octroyé, sinon la maison d'édition ne serait tout bonnement pas au courant. Tout est sans doute dans les règles (qui n'accordent que très peu de droits à l'auteur).

Je ne veux pas ici protester, bien sûr. Je ne voudrais agresser ni blesser personne. Je veux simplement exprimer ce sentiment troublant que vos mots ne sont pas vos mots, que vos pensées ne vous appartiennent pas tant que ça. Que vos gestes vous échappent...

 J'ai passé des mois de ma vie à façonner des phrases. Quelqu'un, quelque part, s'en empare. Les jette au vent avec sa voix (et un piano) comme moi je l'ai fait avec de l'encre. Et de cette aventure, je ne suis pas. C'est peut-être beau. Laissez-moi vous confier que c'est un peu déconcertant.

Je ne voudrais pas paraître aigrie, ou étroite d'esprit. Et je m'interroge : ma réaction est-elle déplacée ?...

 Qu'en pensez-vous ?


......

Complément d'information du 16 octobre :  

Suite à la publication de ce post, j'ai été contactée par l'organisatrice de cette manifestation. Je me permets de publier son éclairage, très bienvenu, ici. Cela permet (me permet) de re-situer l'événement dans une autre perspective et je la remercie de son courrier :

"...Un soir de 2019, une amie m’a offert votre livre. Il m’a totalement séduite, enchantée, au point de l’avoir offert a nombre d’amis choisis.
Tôt cette année, votre livre, bien installé dans ma mémoire, j’ai souhaité le partager avec un plus large public, pouvant en percevoir le parfum délicat, l’observation fine, la poésie, l’étonnement renouvelé, la réflexion, l’optimisme qui s’en dégagent...et tant d’autres éléments encore.
En tant que vice présidente des Amis du Domaine départemental de Méréville, qui fut l’un des plus beaux jardins anglo-chinois en Europe à la fin du 18ème siècle, je suis associée à la saison culturelle du département. Ce jardin, est en cours de renaissance grâce à un ambitieux programme de restauration après des années d’abandon.
J’ai donc proposé cette lecture d’extraits soigneusement choisis de votre livre pour un événement de 45 minutes, ponctué de quelques plages musicales très bien adaptées à la respiration du texte.
J’ai, comme il est d’usage, soumis ce projet à votre éditeur qui l’a accepté, et m’a proposé d’acheter en échange une vingtaine d’exemplaires de « la sagesse », ce que j’ai accepté d’emblée ; votre éditeur estimant que c’était un bon moyen de prolonger la vie du livre auprès du public, et moi, pensant que les spectateurs seraient tentés par votre texte entier après la lecture..."

On le voit (on le disait, on s'en doutait) : tout a été fait dans les règles. Peut-être peut-on s'étonner que l'éditeur n'ait pas partagé la nouvelle, la demande... Qui suis-je pour le regretter ?

Je suis aujourd'hui conviée à assister à ce spectacle (qui n'a finalement pas pu être joué pour des raisons de mauvais temps) quand il sera redonné, et c'est très aimable de la part des organisateurs. 

Je ne renie pas une seule des lignes que j'ai publié plus haut. La question pour moi demeure du droit de regard de l'auteur sur la vie de ses textes. Mais peut-être sont-ils plutôt comme des enfants, qui grandissent et vous échappent, et dans la vie de qui il serait malvenu d'intervenir.

Merci à chacun-e, et à l'organisatrice du spectacle, pour leur participation par sms, téléphone, commentaire de blog, courriel... à cet échange passionné. 

Commentaires

  1. Ta réaction m'apparait au contraire plus que légitime. Considérant que l'on puisse être flatté par le choix de ton écriture comme support à un spectacle, je suis interloquée par l'absence de demande d'accord préalable de l'auteur. Il serait intéressant d'en savoir un peu plus sur le sujet et de "creuser" en matière de droits des auteurs et des maisons d'édition.
    Dommage qu'il y ait une faute dans ton nom sur l'affiche (et si c'était une astuce pour être dédouanée d'un accord ?)
    Bien à toi
    Denise

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    1. Merci Denise : tu as raison de souligner que par ailleurs, c'est un choix très flatteur, qui me touche. J'aurais dû le préciser.

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  2. Quelle colère! Je trouve cela d'une inélégance crasse... de la part de ta maison d'édition, et de la part des organisateurs de cette lecture. C'est vraiment trop simple d'indiquer ton nom (erroné en plus!!!) et de reprendre ton titre, sans t'en informer. Je ne laisserais pas tomber, et ne manquerais pas de leur faire une remarque bien pesée - ne serait-ce que pour éviter des débordements plus importants. Amicalement

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    1. On est souvent surpris de ce que les auteurs cèdent en échange d'une publication, en termes de droits et oui : le mot est juste, j'en éprouve de la colère.

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  3. Ton sentiment n'est pas déplacé.
    Car entre ce qui est légal (faut-il encore s'en assurer...?!) et ce qui doit se faire entre artistes, les valeurs de respect, de gratitude, d'échange, d'admiration, de reconnaissance...il semble il y avoir un monde. L'actrice pense que l'éditeur a fait ce qu'il fallait, l'éditeur pense que l'envoi d'une simple affiche suffit....mais quelques échanges en amont, des interrogations sur le sens d'une phrase, bref l'avis du géniteur du texte me paraitrait être la moindre des choses. Tu te sentirais moins dépossédée et le spectacle aurait tout à y gagner.
    Je trouve très équilibrée et surtout très juste, l'affiche du spectacle "Carnet de voyage" avec une photo de toi de la même taille que celle de l'interprète.
    Bon courage Anne, tu traites cette affaire avec beaucoup de délicatesse et cela t'honore. Je t'embrasse. Claudie.

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    1. C'est extrêmement juste, ce que tu écris, Claudie : la différence entre ce qui est légal et ce qui est juste, correct. Et je suis d'accord : tout le monde a sans doute fait "ce qu'il fallait".
      A noter d'ailleurs que quand, avec Emmanuel et Catherine, nous avons commencé à travailler sur l'adaptation des Bonheurs de l'Aquarelle pour une lecture, j'ai moi-même dû demander l'autorisation de ma maison d'édition !
      C'est questionnant, je trouve.

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  4. Tu n'es ni aigrie ni étroite d'esprit et ta réaction ne me paraît pas déplacée...Il faut demander des comptes à ton éditeur et tacher d'en savoir plus. Il aurait dû te prévenir avant. Cela dit il a peut-être été informé après coup. Il faut que tu saches comment les choses se sont passées. En tout cas, la comédienne est clairement incorrect. Elle l'est de ne pas avoir chercher à te joindre pour te demander ton accord de principe et elle l'est de ne pas respecter l'orthographe de ton nom. Quand on fait des livres d'artiste par exemple, même à très peu d' exemplaires, la coutume est de demander aux auteurs leur accord. La difficulté actuelle de monter des spectacles peut servir d'alibi pour ne pas faire les choses comme elles se faisaient auparavant. Le plus important est peut-être que ton texte vive et touche du monde et tu peux aussi te réjouir qu'il en inspire d'autres au lieu d'en être fâchée. Je t'embrasse

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    1. Je pense que la faute à mon nom relève plus des organisateurs de la comédienne (qui l'orthographie correctement sur son site). Mais bon...
      Il y a peu de temps, j'ai assisté à une magnifique lecture musicale de ce texte extraordinaire qu'est "Croire aux fauves", de Nasstasja Martin. Et j'ai eu l'occasion de discuter avec les artistes de la chance que ça avait été pour eux de pouvoir échanger avec l'auteure, qu'ils avaient rencontré pour l'occasion. C'était une richesse de plus. Il est dommage de s'en priver.

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    2. Effectivement, je pense qu'un échange préalable avec l'auteur est une valeur ajoutée dans le sens où la comédienne, grâce à celui-ci, peut capter des émotions qu'elle n'aura pas "lues" dans le texte. Je n'ai jamais été comédienne (enfin je pense !) mais il me semble que la difficulté dans ce métier est l'abandon d'une part de sa personnalité, au profit de celle de l'auteur.
      Denise

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