Drôle de voyage (référence Hopper, 3)
Shirley, visions of reality de l'Autrichien Gustav Deutsch, est un film passionnant mais aussi des plus étranges.
Etrange parce que l'histoire qu'il raconte importe peu.
Etrange parce qu'en sortant de la salle de projection, j'avais l'impression plutôt de sortir d'une exposition.
Etrange, en somme, parce qu'il brouille les frontières entre peinture et narration, peinture et photographie, peinture et cinéma.
Treize moments de la vie d'une Américaine, des années Trente aux années Soixante. La grande Dépression, le McCarthysme, le combat pour les droits civiques... Contenus, joués, mis en scène, mis en perspective dans treize tableaux d'Edward Hopper.
Solitude, monologue, ennui vague, parfois. Le temps est suspendu. Shirley regarde par la fenêtre, s'endort nue après avoir lu Platon, prend le train, accepte un travail d'ouvreuse, attend au cinéma la fin de l'entracte...
Tout, dans ces décors lisses, simplifiés, aux teintes pastel, est familier à qui connaît l'oeuvre d'Edward Hopper. A qui a eu comme moi la chance de recevoir l'énergie invraisemblable des couleurs surgissant de ces toiles, lors de l'exposition du Grand Palais. Et pourtant très vite, le doute s'installe : le tableau, précisément, c'est quand elle se dirige vers la porte ou quand elle s'assied au piano ? Quand elle ouvre l'armoire ou quand elle vérifie l'enveloppe ?...
L'incertitude dans laquelle nous plonge le film fait écho à ces pensées qui souvent nous sont venues en contemplant les portraits toutes ces femmes saisies en plein vol et pourtant étrangement figées : D'où viennent-elles ? A quoi pensent-elles ? Quel sera leur prochain geste ?
Enfin, ici, la femme en rouge si mélancolique de " Room in New York" enlace son mari, qui pose son journal. Les personnages de "Office at Night" remontent juste, ils viennent de boire un verre au bar de "Nighthawks". Enfin quelqu'un entre dans la pièce de "Sun in an empty room" et sur le perron de "Sunlight on brownstones" passe en coup de vent le chien colley de "Cape Cod Evening"...
Et vous sortez de la salle conforté-e dans vos convictions : oui, les personnages des tableaux ont bien une vie personnelle. Figés sur les murs des musées, enfermés dans leurs lourds cadres de bois ou de métal, ils n'attendent en général qu'une chose : que vous ayez le dos tourné pour reprendre leurs occupations.
• deux autre articles de Bleu de Prusse sur Hopper ICI et LÀ.
merci pour ce partage ça à l'air bien !
RépondreSupprimerEt une scène d’anthologie de "Western motel", ou le film "tableau" raconte une séance photo dont une photographie devient le tableau et illustre le livre de "Chair car" comme si c'était une photo.
RépondreSupprimerMon dieu qu'il est difficile de raconter une mise en abime !
Tout y est, même les erreurs de perspective et les portes sans poignée. Vous vous demandez peut être comment elles s'ouvrent ?
C'est le type même de détails qui frappe alors que je ne m'en étais jamais aperçu en regardant les oeuvres. Ces portes sans poignées, ces cadres sans tableau à l'intérieur, ces fauteuils sans pli ni moelleux... composent un décor très troublant.
SupprimerTout le charme mystérieux de Hopper! Perso j'avais été frappée par la taille des tableaux lors de cette expo! Je m'attendais à du très grand format alors qu'il n'en est rien!
SupprimerAlors moi c'était plutôt le contraire : j'imaginais ces tableaux tout petits et leur taille m'avait frappée !
SupprimerC'est incroyable ça ! j'en n'ai pas entendu parler mais il faut que je vois ça !
RépondreSupprimerVas-y vite, ça va particulièrement te plaire !
SupprimerSuper, tu as vu ça où ???
RépondreSupprimerA l'Eldo, mon bon. Il y a trois semaines, malheureusement, ça ne doit plus passer.
SupprimerAnne (onyme car en déplacement)
C'est génial comme idée!!! En tant que fan de Hopper depuis des années, ce film ne peut que me plaire!!!
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