De la photographie considérée comme un des beaux arts
J'ai encore eu ce débat avec une élève récemment (merci à Marie-Eve de me donner l'occasion de réfléchir à ce point) : je suis toujours étonnée quand un lecteur de mon livre sur Les bonheurs de l'aquarelle y lit une critique de la photographie. Et ce d'autant plus que - ce blog en témoigne - je la pratique, à mon niveau et sans aucun savoir-faire, tout-à-fait quotidiennement. Je zoome, je cadre, je m'allonge dans la poussière pour trouver des angles qui me plaisent, je tente le noir et blanc, je force le flash... bref : j'adore bricoler, y compris en rajoutant des cadres empruntés à pixlr !
Vous me direz que ce n'est pas de l'art. Et je vous répondrai que l'aquarelle, telle que j'aime la pratiquer et l'enseigner, n'en relève pas davantage (là, je vais me mettre à dos les aquarellistes, super !). J'y vois un artisanat, que je pratique avec respect et sérieux et j'y vois surtout un plaisir. A tel point que je serais tentée d'en déduire une philosophie.
Car pour moi tout est là : dans le plaisir de me donner à moi-même un filtre (la
peinture ou l'appareil photo) pour entrer en RELATION avec le monde qui
m'entoure.
Et ce temps : le prendre.
L'idée, donc, sans doute maladroitement exprimée dans ce passage du livre qui interpelle les pratiquants de l'art photographique, était d'opposer le TEMPS LONG de la peinture à l'instantané du cliché touristique qui fait que des foules entières, au Colisée ou sur le Ponte Vecchio, sous la tour Eiffel ou au devant le Taj Mahal, loin de regarder ce qui les entoure, gardent les yeux fixés sur l'écran de leur tablette / téléphone / appareil.
J'ai moi-même d'abord utilisé la pratique de l'aquarelle pour m'obliger à RALENTIR ; je trouve que notre époque nous en offre relativement peu d'occasions. J'aurais aimé vivre au XIXe siècle, quand le Grand Tour envoyait les jeunes Anglais aisés en Italie via Paris et les Pays-Bas, un carnet de croquis à la main... (Ou pas, d'ailleurs : disons-le, ni la condition de la femme, ni celle des classes laborieuses de cette époque ne me font rêver, voir Dickens, voir Austen !) L'Europe en trois jours et 4000 photos, très peu pour moi !
Alors,
prenons le temps : au point de croix ou à l'aquarelle, avec un appareil
photo ou avec un panier à champignons, ou sans rien dans les mains, peu importe.
Le temps de regarder, le temps d'accueillir, le temps d'apprivoiser.
Le temps, comme dit si bien le Petit Prince, de "marcher lentement vers une fontaine". Ou vers un champignon.
(article illustré avec quelques photographies personnelles que j'aime particulièrement et dont j'ai parsemé ce blog au fil des mois)
Justement, qu'est ce qu'un artiste si ce n'est un créateur qui capte les émotions du monde qui l'entoure pour les communiquer au autres dans leurs dimension universelle. Habité par cette démarche comme nécessaire pour exister.
RépondreSupprimer"Artiste", c'est le mot que la société pose sur quelqu'un qui, normalement, n'en demande pas tant, essentiellement habité qu'il est par la nécessité de créer, à la mesure de ses moyens. Peu importe l'étiquette... à ceci près que je trouve très gênant, déplacé, presque, de se revendiquer "artiste". Il vaut mieux créer, les autres jugeront.
SupprimerArtiste et artisan ne sont que des mots, alors dans ce cas il faut s'en tenir à la définition. L'artiste ne fait qu'un objet ou un petit nombre, l'artisan reproduit son objet....l'industrie le produit en masse. En tout cas notre démarche très proche de peintre contemplatif est bien celle de créateurs. Seul le "public" peut dire si l'objet qu'il en reste est une œuvre ou non.
SupprimerCréateur, peintre, contemplatif. Oui, des deux mains !
SupprimerPour le reste, ok, on laisse les autres décider.
;-)
Ton idée de philosophie me plait beaucoup. Je définis mon univers comme cela également, mes instantanés et barbouillages divers m'aident à avancer sereinement dans la vie. C'est le plus important : ce que ça nous apporte à nous, pas aux autres.
RépondreSupprimerce petit garçon qui avance dans cet univers merveilleux et découvrant un champignon, l'approchant lentement est ton neveu??
RépondreSupprimeril est naturellement "flouté"!! je trouve cette photo peu commune dégageant de fortes émotions de sérénité...si belle!! merci dile
Oui, il s'agit de mon neveu Zacharie, la main dans celle de son grand-père. J'aime beaucoup cette photo.
Supprimer... voler du temps au temps...
RépondreSupprimerExactement, c'est exactement ça ! Tout va de plus en plus vite, il devient urgent de... ralentir, voire de s'arrêter tout à fait, de se poser là, de s'imbiber de l'instant, du moelleux de l'air... et de nous remettre à notre place, à notre toute petite place. Et mon coeur tout entier va au "petit" artisan plutôt qu'au "grand" artiste, j'ai un peu de mal avec ces derniers, parfois...
RépondreSupprimerArtiste ou artisan, finalement, c'est une définition sociale : comment il se positionne par rapport à la société.
SupprimerCe qui me paraît beaucoup moins intéressant que le "faire".
Moi aussi, j'aime les "toutes petites places", dans lesquelles je me sens seule à l'aise.
Artisanat ou art, peu importe si on reconnait que ce qui est produit est une œuvre :-).
RépondreSupprimerJe suis d'accord.
SupprimerMoi aussi ! :))
SupprimerTout à fait d'accord Anne avec ta vision de l'aquarelle (façon croquis ou même pour l'aquarelle "d'atelier") du dessin ou de la photo pour moi aussi : un "filtre" ou une porte pour entrer en relation avec une autre réalité. et ça devient Art quand ? quand on montre, quand on expose peut-être ou quand les autres arrivent aussi à rentrer dans le monde qu'on a vu, peint ou photographié ? Si tu continues à écririe sur ce sujet passionnant j'espère que ça fera l'objet d'une publication !
RépondreSupprimerJ'ai toujours envie d'écrire ! Reste à trouver un éditeur qui ait toujours envie de me publier...
SupprimerJe suis tout à fait d'accord avec le fait que le terme d'artiste est difficile à employer. C'est une histoire de convention sociale. Les mots ne sont pas si importants que cela, quoique.
RépondreSupprimerTes réflexions sur le temps m'interpellent aussi... Je bataille avec ou contre, cela dépend. En tout cas, j'apprends petit à petit à me freiner et à prendre le temps de faire bien au lieu de faire beaucoup. C'est au final bien plus satisfaisant pour moi, mais sur ce sujet c'est à chacun sa recette !
L'image (photographie) des fruits du rosier sauvage (cynorhodon- -(ou pas si sauvage?)- -), me plaît énormément. (Up)
RépondreSupprimerRencontré dans un chemin couvert de neige du Jura suisse, tout verni de glace, un beau matin de l'hiver dernier.
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