La grande alchimie des pigments bleus (suite)
Si, en matière de couleurs, ce peintre est surtout connu pour le vert qui porte son nom, l'exposition que la National Gallery de Londres consacre à VÉRONÈSE - Véronèse, la magnificence de la Renaissance à Venise, jusqu'au 15 juin prochain - m'offre l'occasion de compléter ce que j'exposais dans un précédent post à propos de la difficile question des PIGMENTS BLEUS en peinture.
C'est avant tout une question d'économie.
• Dans La famille de Darius devant Alexandre comme dans Saint Jean Baptiste prêchant, Véronèse, pour traiter le ciel, a utilisé le smalt, ou "bleu de cobalt". Obtenu à l'origine en teintant de la pâte de verre grâce à du cobalt, puis en la broyant finement, il présente l'inconvénient de se décolorer en une vilaine teinte gris brun (notez que les bleus de cobalt actuels sont des pigments de synthèse de bien meilleure tenue).
Ce défaut est ici particulièrement visible : voyez la couleur des ciels au-dessus et à l'arrière-plan !
• Dans Le Christ et le Centurion, le ciel est réalisé à l'azurite, minéral de structure cristalline - formule Cu3(CO3)2(OH)2. Proche de la malachite, l'azurite, que l'on trouve notamment en France, a une furieuse tendance à virer au vert, à tel point que l'on conseille aux collectionneurs de pierres de ne pas trop exposer leurs échantillons à la lumière. D'où les orageuses nuances du ciel ci-dessous.
Depuis 1828, l'outremer, comme la plupart des pigments bleus, est produit de façon synthétique. Moins coûteux, il est aussi infiniment moins magique. Et je regrette, sottement, le temps où les peintres travaillant pour l'éternité broyaient avec patience la pierre bleu foncé venue d'au-delà des mers.
C'étaient les élèves des peintres qui broyaient les couleurs. Les maîtres eux enseignaient et travaillaient leurs œuvres. Epoque ou les élèves travaillaient tous les jours à l'atelier, et ou le temps n'avait pas la même valeur.
RépondreSupprimerOui, bien sûr. Et ces élèves étaient donc eux-mêmes peintres ou apprentis peintres, comme on le voit quand on lit la vie de certains d'entre eux. Ils ont appris en balayant l'atelier, en fabriquant les couleurs, puis en peignant les ciels, puis les drapés, etc. Et puis pour les meilleurs d'entre eux, ils ont accédé au statut de maître et pris eux-mêmes des élèves... En cela, ils avaient devant eux une éternité de patience.
SupprimerMerci pour ce joli cours peinturochimique.... il rend la triste chimie mille fois plus poétique.
RépondreSupprimerTOUT est poésie !
Supprimeryessss !!!
SupprimerEn lisant ton article je pense à "La jeune fille à la perle", le livre de Tracy Chevalier que j'ai beaucoup aimé.
RépondreSupprimerJ'ai adoré ce livre, oui ! Et dans l'adaptation pour le cinéma, il y a une scène qui évoque la fabrication des pigments...
SupprimerPour ça, il faut aussi visiter l'atelier de Rembrandt à Amsterdam.
Oui moi pareil, j'ai adoré ce livre! Contrairement à toi, je ne regrette pas de ne pas avoir à broyer des pierres, mais je regrette certes de ne pas avoir tout le temps qu'ils avaient pour peindre!!!
SupprimerParce que ce mot réunit à tout jamais ma mère et ma fille, j'adore le lapis-lazuli...
RépondreSupprimerQuant à la jeune fille à la perle ♥, c'est avec elle que j'ai commencé mon histoire des arts loufoque avec mes élèves... (un jour, en mp, je te raconterai...). Et en plus, dans le film, c'est Colin Firth qui fait l'artiste... ♥♥
Aaaaaaaah ! Colin Firth...
SupprimerA LA fac cette semaine cours renaissance ..le professeur nous montrait des tableaux magnifiques, en nous citant des couleurs dont les bleus ..de s rouges aussi .et a fini par se retourner pour regarder ce qu'elle nous proposait à l'écran....et a constaté avec horreur que le filtre n'était pas bon et tout était vert et cela jusqu'à la fin du cours!! je pense que cette semaine, elle nous repassera ces diapos avec les bonnes couleurs;;;enfin!PAS toujours facile l'enseignement!!!
RépondreSupprimerElle a dû connaître un immense moment de solitude !
SupprimerAh...les rouges et les verts : on a beau dire, appliqués à la peinture de la Renaissance, ce n'est pas la même chose qu'à trois pommes et une bouteille de sirop !